C’est par cette question volontairement polémique voire un brin racoleuse que commence notre réflexion aujourd’hui. L’idée n’est pas de faire l’étalage des fondamentaux de la gestion de projets en mode Agile mais de partager un étonnement depuis l’avènement du digital : la gestion de projets Agile pousse-t-elle les développements à être moins aboutis du premier coup ?

La gestion des projets, c’était mieux avant ?

Qu’entend-on par Agilité ? 

Rassurez-vous, ceci ne sera pas un énième article sur les méthodes agiles ! Un pas de retrait est quand même nécessaire : qu’entendons-nous quand nous parlons d’agilité dans le développement ? Depuis 20 ans, et le Manifeste pour le développement agile de logiciels, les développeurs et les entreprises en général ont commencé à démocratiser l’usage de cette révolutionnaire boîte à outils. Il convient d’en rappeler les 4 grandes valeurs, auxquelles les 17 signataires de ce manifeste accordent de l’importance :

  1. Aux individus et leurs interactions plutôt qu’aux processus et aux outils ;
  2. A un logiciel fonctionnel plutôt qu’à une documentation exhaustive ;
  3. A la collaboration avec les clients plutôt qu’à la négociation contractuelle ;
  4. A l’adaptation au changement plutôt qu’à l’exécution d’un plan.

Sur cette base, 12 principes ont été édictés, nous nous attarderons d’abord sur le premier, qui peut-être, a été oublié avec le temps…
Notre plus haute priorité est de satisfaire le client en livrant rapidement et régulièrement des fonctionnalités à grande valeur ajoutée.

En partant de ce simple principe, pour rappel le premier du manifeste Agile, vous voyez déjà où nous voulons en venir.
Livrer rapidement : OK, livrer régulièrement : OK, des fonctionnalités à grande valeur ajoutée : vraiment ?

La mise à jour, solution de facilité des développements ?


Prenons un exemple que nous partageons quasiment tous : les applications mobiles, qu’elles soient issues de l’environnement Apple ou Android, nous faisons quasi quotidiennement l’expérience des mises à jour. Combien d’applications installées subissent des correctifs en cours de vie productive ? Combien de ‘patch notes’ contiennent les mots : corrections de bugs ? Faites le test, allez vérifier sur vos applications préférées, c’est très instructif, ou effrayant.En partant de ce simple principe, pour rappel le premier du manifeste Agile, vous voyez déjà où nous voulons en venir. Livrer rapidement : OK, livrer régulièrement : OK, des fonctionnalités à grande valeur ajoutée : vraiment ?


Revenons-en à notre question initiale : le développement Agile conduit-il à la médiocrité ? La réponse n’est pas manichéenne à l’évidence, cependant nombre d’exemples du quotidien tendent à nous prouver que si un développement ne fonctionne pas à 100% du premier coup, ce n’est pas si grave. Une mise à jour la semaine prochaine résoudra le problème après son lancement. Mieux, les utilisateurs de mon service pourront me faire des retours éclairés sur ce qui ne marche pas, une phase de tests poussée n’est peut être plus aussi nécessaire.

L’exemple des jeux vidéo dans l’actualité avec le lancement en fanfare des nouvelles consoles de salon Playstation 5 ou Xbox series X &S, est aussi un exemple édifiant : il y a 20 ans sortait la console qui allait devenir la console de salon la plus vendue au monde, la Playstation 2 (Plus de 100 millions d’unités vendues). Les connexions haut débit étaient encore très limitées, et les supports des jeux pressés sur des DVD, physiques. Un jeu vidéo sortait alors dans une version finale qui n’allait plus évoluer ou presque. Il est impossible aujourd’hui d’imaginer une sortie de jeux vidéo sans son lot de mises à jour correctives de plusieurs centaines de mégaoctets, parfois même le jour du lancement !

Imaginez votre voiture neuve livrée à moitié peinte : elle roule, c’est bien le modèle commandé, pas de problème de sécurité, « ne vous en faites pas, notre service carrosserie passera la semaine prochaine lors de la prochaine itération finaliser votre peinture » inimaginable non ?

Et le consommateur, le client dans tout ça ?

Et si finalement la médiocrité supposée n’avait pas autant d’importance pour nous, clients, consommateurs ? Nous sommes en effet totalement habitués à ces mises à jour, ces nouvelles versions, ces communications marketing sur le bien fondé de telles ou telles améliorations. Peut-être même que nous y prenons goût ? Parce que, derrière ces mises à jour correctives, il est souvent mis en avant une évolution, une modification, que j’ai peut-être demandé moi-même à travers un obscur commentaire, directement sur le site de mon application, mon logiciel ou mon jeu préféré.

C’est en cela que l’agilité prend tout son sens parce qu’elle permet de rediriger un axe stratégique, d’appréhender un changement de perception client. Ceci répond au second des 12 principes du manifeste Agile :
Accueillez positivement les changements de besoins, même tard dans le projet. Les processus Agiles exploitent le changement pour donner un avantage compétitif au client

En tant que consommateurs, clients, on peut donc pester sur la qualité douteuse d’une de nos applications et en même temps s’émerveiller de la voir répondre de plus en plus à nos besoins, de la voir s’enrichir de fonctions nouvelles, de me voir être mis à contribution dans l’ajout de nouvelles idées pour le futur.

Finalement Agile c’est bien alors ?

En reprenant les principes de bases édictés dans le Manifeste pour le développement agile de logiciel, il est certain que la gestion de projets Agile est positive à 100% et ce, pour tous les acteurs, y compris le consommateur final.

Pour répondre à la question initiale de cet article : NON, d’après nous, la gestion de projets digitaux ‘Agile’ ne conduit pas à la médiocrité.

En revanche, la gestion, l’animation du projet et l’intégration de la méthode Agile dans l’entièreté de la chaîne de valeur du projet, si elle n’est pas bien réalisée, prise en compte, anticipée, peut amener à la médiocrité.

De notre point de vue et d’après notre expérience, la qualité finale dépend essentiellement de la manière dont vous allez pouvoir gérer vos projets et ce indépendamment de votre culture ‘gestion de projet’, de vos méthodes ou votre domaine d’expertise.  La manière dont vous allez devoir communiquer, embarquer vos équipes et surtout intégrer le fait de ne jamais oublier votre client est la clef pour arriver à la meilleure qualité possible. 

Au-delà des aspects purement techniques de la gestion de projet qu’il faut évidemment connaître et pour lesquels il faut être formés, nous avons pu expérimenter des méthodes d’accompagnement des équipes qui permettent de garantir aux clients la visibilité continue sur la qualité finale. Ces principes, simples sur le papier, peuvent pourtant être compliqués à mettre en œuvre dans certains contextes, par rapport aux habitudes de travail, à la charge de travail quotidienne qui ne permet pas de prendre du recul, à la communication entre les différents services, à la lourdeur hiérarchique ou procédurale… 

C’est bien la façon d’appréhender les sujets et les projets qui fait toute la différence !

Romain Bajolle, Consultant Zelig